Une nouvelle technologie pour la construction de récifs artificiels outre Atlantique
Les écosystèmes récifaux ont souffert d'une grande variété d'altérations anthropiques depuis plusieurs décennies. Les activités de récréation en mer (plaisance, pêche de loisir, plongée), l'envasement suite à la construction d'ouvrages sur la mer, les pollutions par les eaux usées, l'arrivée excessive de sels nutritifs comme les nitrates ou les phosphates, la pollution thermique et la surpêche ont contribué à la mauvaise santé de beaucoup d'écosystèmes récifaux. Les plongeurs autonomes,les apnéistes et les bateaux avec leurs ancres peuvent largement endommager les écosystèmes coralliens. La surpêche des poissons se nourrissant d'algues peut entraîner en retour un développement accéléré de celles-ci qui finiront par étouffer les coraux. Les altérations anthropiques ont contribué à la perte de dix pour cent des récifs coralliens du monde et deux-tiers supplémentaires risquent de décliner sèrieusement dans les prochaines années. Le zoologiste Maflorie Reakea-Kudla (1996) prévoit la perte de soixante-dix pour cent des récifs de corail du monde par l'année 2036.
Diverses techniques ont été utilisées pour créer des habitats pour des organismes vivant normalement dans les récifs. En eaux côtières des Etats-Unis, la plupart des efforts se sont concentrés sur les possibilités d'accroître les densités et le nombre des poissons afin de favoriser les activités de plongée et de pêche de loisir. Des actions comme l'iimersion délibérée de bateaux ou de plateformes de forage de pétrole ont montré leur efficacité dans l'augmentation des stocks locaux de poissons.
Cependant, il est encore peu certain que ces structures favorisent réellement des phénomènes comme la reproduction des poissons. Il est en tout cas clair qu'elles ont un rôle de concentration des populations halieutiques provenant de zones mitoyennes.
De gros efforts ont été faits pour la restauration des écosystèmes de récif de corail. De tous les écosystèmes marins, les récifs coralliens sont les plus riches et complexes de part la diversité des relations trophiques dont ils sont constitués. Les récifs naturels sont fabriqués par des animaux symbiotiques qui s'associent à des algues intracellulaires spécialisées appelées " zooxanthelles". Par photosynthèse, ces algues produisent des sucres à chaîne courte et de l'amidon.
En échange de ces molécules énergétiques, les coraux fournissent une partie de l'azote et du phosphore qu'ils obtiennent en capturant des organismes planctoniques microscopiques. Quelques espèces de corail produisent des squelettes de carbonate de calcium. L'accumulation de ces structures squelettiques forme le récif de corail.
Chaque espèce de corail a son propre mode de croissance. Certaines produisent des structures ramifiées tandis que d'autres donnent des formes plutôt arrondies ressemblant à des demi sphères. Les concrétions coralligènes fournissent les habitats nécessaires à un écosystème diversifié qui inclut un nombre élevée d'espèces de poissons, de crustacés, d'invertébrés, et d'autres organismes marins.
Les premiers grands récifs artificiels au monde furent des bateaux coulés involontairement. Puis on coula, cette fois-ci de manière intentionnelle d'autres bateaux, des tanks militaires, un Boeing 707, des automobiles trouvées dans les casses, des pneus attachés entre eux et d'autres matériaux inutilisés. Ces premiers récifs artificiels furent mis en place sur la côte Est et Sud-est des Etats Unis. Les procédures d'immersion pour la construction de ces récifs changent selon les types de matières employées. Bateaux, tanks, avions et voitures sont vidés de l'essence, du pétrole, et des autres fluides potentiellement polluants. D'une façon générale, le moteur et tous les matériaux légers sont également enlevés. L'enlèvement du laiton, généralement trouvé dans les bateaux, est important parce que cet alliage de métaux est particulièrement toxique pour certains organismes marins. L'immersion des bateaux est habituellement obtenu à l'aide d'explosifs. Les bateaux sont transportés avec des remorqueurs à l'emplacement cible puis les explosifs sont déclenchés. Des barges flottantes sont utilisés pour transporter des voitures et d'autres matériaux sur le site du récif artificiel.
Des vieux pneus ont été utilisés comme récifs artificiels au large des côtes de la Virginie du Nord et de Carolin du sud et de Floride. Un des plus grands récifs constitué de pneus, le récif d'Osbome au large de la côte de la Floride, contient presque deux millions de pneus. Une partie essentielle du procédé de préparation réside en la perforation des pneus ce qui annule leur flottaison.
Goodyear a récemment développé un dispositif permettant la perforation des pneus sur trois zones de la circonférence. Après que les pneus aient été poinçonnés ils sont rassemblés par paquets de dix à douze et reliés entre eux en utilisant des cordes de nylon. Si l'emplacement du récif artificiel est sujet aux temps orageux ou aux courants forts, les pneus doivent être remplis de ciment. Des bateaux ou les chalands peuvent être utilisés pour déposer les pneus. D'avantage de poissons sont attirés vers les récifs si les paquets sont empilés les uns sur les autres.
Les plateformes de pétrole sont un matériel artificiel possible quoi que controversé pour la réalisation de récifs artificiels. Un déclin dans le forage de pétrole dans le Golfe du Mexique a entraîné la mise à disposition d'un plus grand nombre de plate-formes . Avant que les plates-formes pétrolières puissent être converties en récifs, elles doivent au préalable être très scrupuleusement nettoyées. Des explosifs sont alors employés pour détruire les "jambes" et pour couler la plateforme. Ces explosions peuvent avoir des effets potentiellement néfastes sur les plantes et les animaux qui se sont déjà établis sur les super-structures.
Un développement relativement récent (1993-94) dans la construction artificielle de récif est l'utilisation de structures en béton préfabriquées appelées ReefBalls. Ces structures en forme de dôme creux ressemblent aux récifs de corailproduits par certaines espèces de madréporaires. Elles possèdent des trous de différentes tailles qui permettent à des poissons et à d'autres organismes marins de pénétrer à l'intérieur.
Les trous sont conçus pour créer un effet de tourbillon hydrodynamique qui alimente en eau et en particules nutritives les invertébrés colonisateurs. Le concept de récif en forme de boule perforée montre que le profil de demi sphère ne suffit pas à lui seul pour assurer l'établissement d'une chaîne alimentaire. Les surfaces ont besoin de courant et de lumière pour fonctionner.
Les demi sphères sont réalisées en coulant le béton dans un moule de fibre de verre qui contient un réservoir souple interne et gonflable. Les trous sont réalisés grâce à la disposition de petits ballons de baudruche entre le moule de fibre de verre et le réservoir souple gonflable. Le béton peut alors être versé . Le réservoir souple à l'intérieur de la demi-sphère est souvent utilisé comme dispositif de flottaison pendant la mise en place des récifs. Les ReefBall sont disponibles dans un certain nombre de tailles. Le temps total nécessaire à la fabrication d'un ReefBall est de trente minutes à une heure et demi selon la taille de la boule.
Presque tous les types de béton sont utilisables dans la construction. Cependant, des additifs doivent être incorporés qui renforceront la résistance des demi- sphères et les rendront biocompatibles. En effet, le béton ordinaire est à un pH de niveau élevé car l'hydroxyde de calcium qu'il contient est basique. L'ajout de microsilicate ramène le pH à environ à 8,3, qui est la valeur moyenne de l'eau de mer et réagit avec l'hydroxyde de calcium. Le composé qui en résulte est alors hautement résistant et atteint une durée de vie d'au moins cinq cents ans. Sans microsilicate disponible, les demi-sphères doivent être trempées dans de l'eau douce pendant trois à six mois pour faire disparaître une partie de l'hydroxyde de calcium toxique pour quelques organismes marins. Si les ReefBalls ne sont pas traités, les seuls organismes résistantes aux pH élevés coloniseront de prime abord le ReefBall et empêcheront plus tard par compétition l'installation d'autres organismes même si le pH a eu le temps de redevenir normal.
Plusieurs textures extérieures différentes peuvent être utilisées pour les ReefBalls qui favoriseront la colonisation des espèces marines particulièrement par recrutement des larves planctoniques.
Plusieurs méthodes peuvent être employées pour transporter sur site marin les ReefBalls. Le réservoir souple peut être maintenu gonflé à l'intérieur de la demi-sphère et être utilisé comme dispositif de flottaison permettant le remorquage par bateau. Quand le site a été atteint le réservoir souple est dégonflé et retiré. Les plongeurs peuvent accompagnéer la mise en place du récif en contrôlant la descente et le positionnement. L'utilisation des plongeurs peut permettre de réduire au minimum les destructions sur les parties normales du récif.
Des récifs peuvent également être mis en place sans plongeurs. Les ReefBalls sont conçus pour rester stables une fois qu'ils ont été déposés au fond. La forme de dôme de ces récifs artificiels est la clé de leur stabilité. Plus de 50 % de la masse est présente sous la ligne médiane. Le dessus du dôme est ouvert pour réduire les effets de soulèvement dû à l'action des vagues par temps orageux.
La taille des reef Balls peut être personnalisée pour satisfaire les demandes esthètiques et environnementales. Par exemple la masse de béton peut être doubléepour satisfaire à des conditions d'hydrodynamisme élevé.
ReefBalls se sont avérés très résistants à des conditions climatiques sévères comme par exemple l'ouragan de 1995. Celui ci n'a renversé aucun des ReefBalls alors que les autres récifs artificiels de la zone ont pour la plupart été détruits ou
Le succès de la construction artificielle de récif dépend du but du projet. Les récifs construits avec des matériaux de chute répondent fréquemment à l'objectif d'attirer des poissons. Une étude, entreprise près de l'île de Marco, la Floride, en 1972 a conclu à des augmentations significatives des quantités de poissons après l'installation d'un récif fait de vieux pneumatiques. Avant que le récif de pneu ait été construit le personnel de la station d'écologie marine appliquée de Marco a pêché sur la zone pressentie pour le futur récif artificiel. Le taux de capture était approximativement de 0,5 poissons par heure. Une enquête de suivi a été conduite plusieurs années après la mise en place des 100 000 pneus. Le taux de capture avait augmenté d'un facteur douze.
Bien que les récifs construits avec des matériaux de chute attirent les poissons en général, ils ne sont pas favorables à l'établissement des colonies de corail. C'est vrai en particulier pour les pneus. Pour les récifs de nature métallique, ils finissent par s'oxyder et se disloquent entraînant la rupture des structures biophysiques et leur déclin par manque de surface encore disponible. Les coraux n'atteignent jamais leur taille naturelle qui est obtenue pour des colonnies de plus de cent ans.